Émancipation réussie pour Ubac et Ushuaïa
Plus de quatre mois après la réintroduction 2025 des jeunes Gypaètes barbus dans les Grands Causses, leur émancipation est effective. C’est donc l’occasion de revenir sur l’évolution d’Ubac et Ushuaïa, depuis leur envol.
Ubac s’est envolé le 23 juin au soir, à l’âge de 122 jours. Les débuts de cette nouvelle étape dans sa réintroduction ont été encourageants, puisqu’il réalisait de petits vols autour de la zone de lâcher, lui permettant d’appréhender et de se familiariser à son environnement. Cependant, les très fortes chaleurs, caniculaires, ainsi que les successions d’orages, ne lui ont pas facilité la tâche. En effet, les mauvaises conditions aérologiques dans certaines zones fréquentées, combinées à une diminution de prises alimentaires et un manque d’hydratation de l’oiseau ont conduit l’équipe à prendre en charge Ubac en difficulté, le 2 juillet. Peu actif depuis quelques jours et visiblement affaibli par les conditions climatiques, Ubac s’est posé dans une zone boisée peu favorable pour redécoller ; il a été nécessaire de le récupérer. Il put ensuite profiter d’un retour à la vire pour s’alimenter en quantité, boire, s’entretenir le plumage durant de longs moments mais aussi se reposer.
Après 3 jours de récupération, Ubac s’est à nouveau envolé, en forme, pour repartir à la découverte des gorges et falaises alentours. Les jours suivants, bénéficiant de conditions climatiques plus favorables, Ubac s’est bien mieux adapté à son environnement, revenant aussi régulièrement boire et manger à proximité de la vire de taquet. Peu à peu, ses temps de vols se sont allongés et les zones prospectées ont été de plus en plus lointaines.
En parallèle, Ushuaïa, âgée de 120 jours, a pris son envol sous les yeux émerveillés de l’équipe, dans la matinée du mardi 1e juillet. Elle s’est d’abord posée en contrebas de la vire et y a passé de longues heures. Les jours suivants, Ushuaïa a entamé une découverte prudente des environs mais, faisant preuve d’une certaine aisance en vol. Elle a rapidement compris que nourriture et eau étaient à disposition autour du site de lâcher. Tout comme Ubac à ses débuts, elle a passé du temps à observer autour d’elle et à expérimenter des vols de plus en plus longs.
Les interactions entre Ubac et Ushuaïa étaient déjà nombreuses dans la vire et, après leur envol, ces deux oiseaux ont quotidiennement été retrouvés dans les airs ou sur les reposoirs. Ils ont passé de longues heures ensemble à se reposer à proximité l’un de l’autre et ils partageaient même leurs repas, bien qu’Ushuaïa semble moins enthousiaste à l’idée. L’équipe de surveillance était ravie d’observer plusieurs vols en tandem des deux oiseaux. Leur évolution conjointe dans cet environnement a été sans aucun doute bénéfique ; pendant les premiers jours de vol, les deux oiseaux ont subi quelques agressions et harcèlements de la part d’autres espèces avifaunes (faucon crécerelle, corneille, vautour fauve, vautour moine, …). A de nombreuses reprises, le stress a envahi l’équipe lors d’interactions avec des aigles royaux ou des congénères Gypaètes plus âgés. Ubac a même laissé quelques plumes au cours d’une interaction, dont une rectrice centrale (cela ne semble pas avoir impacté son vol). Mais, les jeunes gypaètes sont résilients et persévérants. Peu à peu, les deux oiseaux ont gagné en assurance, autant dans leur vol que dans les interactions. Ils ont réussi plusieurs fois à repousser d’autres vautours ou des corvidés hors des lieux de nourrissage. Ushuaïa et Ubac semblent aussi avoir compris qu’il était nécessaire de se faire discrets en présence de congénères plus âgés mais aussi que l’union fait la force. Il a semblé à l’équipe en charge de leur suivi qu’une forme d’entraide s’est développée, notamment pour faire face au Gypaète subadulte nommé Peyre (mâle de 5ème année), qui s’est montré parfois agressif à leur égard, les comportements des oiseaux ont alors témoigné qu’Ubac et Ushuaïa ont pu dominer ces interactions.
Au fil des semaines, les deux jeunes gypaètes ont exploré des zones de plus en plus éloignées des gorges du Trévezel, en passant par le Mont Aigoual, le Causse du Larzac, les gorges de la Jonte, le Causse Bégon, etc. Puis, les reposoirs nocturnes ont progressivement été choisis en dehors de la zone de réintroduction ; en effet, ils passaient la nuit dans des secteurs plus éloignés, revenant sur le site pour se nourrir et boire.


Environ un mois après leur envol, il est devenu plus difficile de suivre ces oiseaux à vue, de manière continue, tant ils se sont montrés mobiles et ont exploré les Grands Causses. Les observations se sont faites de plus en plus rares mais, leurs balises GPS ont fourni des informations précieuses, permettant de suivre leurs déplacements et leur état. A partir de début septembre, les oiseaux ne sont revenus que ponctuellement dans la zone de lâcher, ceci témoignant de leur émancipation . La surveillance des gypaètes quotidienne a pu se clôturer mi-septembre, attestant de la réussite de la réintroduction d’Ushuaïa et d’Ubac, qui poursuivent leurs explorations et évolution respectives. Il est vivement espéré que, dans quelques années, sans doute après des comportements erratiques, ils s’installent et se reproduisent dans les Grands Causses !
Marion MERMET-LIAUDOZ
Surveillante Gypaète 2025 LPO